« AGOSSOU »,
MAIS PAS « AGOSSOU XLO-NON »
OU LA QUESTION
D’UNE RELEVE DE
QUALITE POUR LE CLERGE BENINOIS
J’ai connu le Père Jacob M. AGOSSOU comme professeur à
l’Université nationale du Bénin et comme pasteur à Bon Pasteur et à Sainte Thérèse
de l’Enfant-Jésus de Godomey. Mon témoignage portera donc sur mes
souvenirs du professeur et du pasteur.
1- Mes souvenirs du professeur brillant
Le Père Jacob M.
AGOSSOU a été Prof à l’Université Nationale du Bénin. Il a été codirecteur de
mon mémoire de maitrise sur « Saint
Jean de la Croix et Epictète ». La codirection pour un mémoire de
maîtrise étant chose rare, même maintenant, on comprend alors qu’il eût fallu
une certaine insistance avant d’obtenir le quitus à ce sujet. Et cela signifie
que j’avais une forte admiration pour ce pasteur qui a été un brillant
intellectuel. Je me souviens également que M. Pierre Simon, directeur du Collègue
de l’Union et de saint Jean-Baptiste de la Salle, disait de lui qu’il l’aidait
beaucoup en matière de droit canonique, face à un prélat qui le régentait, me
semble-t-il, un peu trop à propos du Collègue de l’Union. Le Père Jacob M.
AGOSSOU m’avait aussi recommandé pour une bourse d’étude.
2 -Mes souvenirs d’un pasteur un peu pagailleur, Mais pas un « AGOSSOU
XLO-NON »
Je garde du Père
Jacob M. AGOSSOU, le souvenir d’un pasteur très catholique. Et c’est
important ! On peut lui reprocher, peut-être, des choses. Mais il est
CATHOLIQUE. Il mettait au service de son Eglise ses compétences
intellectuelles. Il fait partie des intellectuels clercs catholiques ayant
contribué à la réalité du mythe du « Quartier latin d’Afrique ». Il
intervenait régulièrement sur les questions de société et d’actualité selon la
doctrine de l’Eglise. Je me souviens de sa connaissance de la question de la
foi et de la raison, ainsi que du manichéisme, qu’il présentait à la
« Radio Immaculée ». Il me rappelle l’érudition du Rd Père André-Jean
Festugière, O. P., à propos de la révélation d’Hermès Trismégiste :
L’Astrologie et les Sciences occultes, le Dieu cosmique, les Doctrines de
l’âme, le Dieu inconnu et la Gnose, indispensable à la compréhension de Platon,
du Stoïcisme, de la première philosophie de la cité et des droits ainsi que de
la compréhension de l’émergence du vrai monothéisme différente de la monolâtrie
qui reconnait l’existence de plusieurs dieux mais choisit de n’adorer qu’un
seul. Il est vrai qu’il est un peu pagailleur. Je faisais la célébration
dominicale sans prêtre à Godomey après le départ risqué du Père DAÏ pendant une
absence de l’évêque en second du diocèse de Cotonou. Le Père Bernard DOSSOU venait
tous les quinze jours à Godomey. Les dimanches de sa présence, je m’occupais
seulement de la première célébration qui est pour les enfants. Les dimanches où
il n’est pas présent, j’assumais les deux célébrations. De Godomey, j’ai
également fondé la station secondaire d’Akplomè. La station dépendait de Bon
pasteur comme la station de Fidjrossè où je faisais de temps en temps la
célébration dominicale sans prêtre. Quand trois eudistes prirent en charge
Godomey entre avril et octobre 1989, j’allais voir le Père AGOSSOU à Bon
Pasteur pour certaines difficultés concernant Godomey. J’avais constaté qu’il
est un peu pagailleur. La gestion de
la paroisse de Godomey était difficile pour des futilités à la paysanne. Des
gens dont les palabres relevaient des questions du genre « Je gagne plus que lui », « ses enfants ne valent riens », etc. La mésentente était
papable avec des médisances. Un mensuel ou semestriel de la Basilique de
Lisieux, de l’époque, a fait mention de l’entente retrouvée grâce à l’intercession
de sainte Thérèse de Lisieux. Bref, le Père AGOSSOU, comme son prédécesseur,
était parfois pris à parti pour telle ou telle décision. Il aurait dit un jour
qu’il n’est pas quelqu’un de manipulable. Qu’il est « AGOSSOU », mais
pas un « AGOSSOU XLO-NON ». Un « AGOSSOU » est souvent
considéré comme quelqu’un d’un peu niais et un « AGOSSOU XLO-NON »
est un hurluberlu. A-t-il vraiment tenu
ce propos ? C’est bien possible et cela lui ressemble bien. Et il parait que
le Père Romain DAÏ disait qu’il est « DAÏ » et non « DOSSOU ».
Quant vint « DOSSOU », il se plaisait à dire qu’il est « DOSSOU »
mais pas « AGOSSOU ». Et à « AGOSSOU » de dire, à son tour,
qu’il est bien « AGOSSOU », mais pas « AGOSSOU XLO-NON ».
Et par Dieu ! N’avait-il pas raison ? Il n’a effectivement rien d’un « AGOSSOU
XLO-NON » par ses qualités intellectuelles qui ont été une arme de combat
pour la foi en Jésus-Christ au Bénin.
3 - Soirée du 15 septembre 2018 et rappel de la densité intellectuelle du
Père Jacob M. AGOSSOU
Je me souviens particulièrement des
qualités intellectuelles du Père Jacob le 15 septembre 2018 à saint Michel de
Cotonou. En effet, je faisais partie de ceux qui étaient invités à cette
soirée-là dans le cadre des échanges à propos des 20 ans de Fides et ratio de Jean-Paul II. Il
s’agit d’un sujet de philosophie de la religion qui n’est pas à la portée de
n’importe qui. « L’urgence de la
relation foi et raison / Philosophie et Théologie pour les cultures africaines
traditionnelles et modernes » a été présenté par un prof émérite de philo.
Dans son développement, il a donné l’exemple du prêtre qui refusa de lui signer,
avec un regard narquois quand il était étudiant en France, son livret de
catholicité. Il s’est demandé l’utilité du livret de catholicité pour les seuls
Africains. Il en conclut que la confession avait accompagné la colonisation. Il
s’est aussi demandé, avec un peu de rhétorique, s’il ne fallait pas supprimer
ce sacrement. Sur le sujet foi et raison,
je partage son analyse philosophique. Et
saint Thomas d’Aquin, saint Anselme (théologie apophatique, par exemple,
qu’il doit à Sénèque et à saint Jean de la Croix, « Le ‘’Mi Senequita‘’de Thérèse d’Avila »), etc., sont les
références en matière du débat foi et
raison et non l’encyclique de
Jean-Paul II. En fait, le conférencier se demande si c’est de ce débat que l’Eglise
en Afrique et au Bénin a besoin. Mais les réponses, parfois avec fébrilité et
émotion, ne me semblent pas témoigner d’une maîtrise suffisante du sujet d’une
part, et d’autre part, de la maîtrise de soi convenable à un prêtre qui doit pouvoir
répondre pédagogiquement à un laïc qui semble ignorer les fondements de sa foi.
Si ignorance il y avait effectivement ! Quelqu’un lança même dans la salle :
« L’encyclique en question dépasse 20
fois le ‘’Discours de la méthode de Descartes’’ ». Ces propos font-ils
vraiment honneur à son auteur qui est un docteur en philosophie ? Celui qui
sollicite un tam-tam et ne peut supporter son rythme n’est-il pas lui-même un
autre problème ? Bref, je m’étais souvenu des cours reçus à la Catho et de mes enseignements de jeune prof sur le
sujet. Je m’étais souvenu des qualités intellectuelles du Recteur de Tchanvêdji
en juillet 2017 au Centre Brésillac sur la doctrine environnementale de l’Eglise
et de son intervention en octobre 2017 à la Maison Mgr ASSOGBA à Bohicon. Je
l’avais écouté avec admiration. La présence d’un ancien Doyen de Fac, proche du
Père Jacob, le 15 septembre et qui m’interpella à la fin de la séance, me
rappela les qualités intellectuelles et pédagogiques du Père Jacob M. AGOSSOU.
Je me suis rappelé qu’il était souffrant et que la disparition des prêtres de
sa génération risque de poser avec acuité, pour le clergé béninois, la question
d’une relève de qualité en matière de ressources intellectuelles. La présentation de « Enseigner ou faire enseigner la philosophie en Afrique dans l’esprit de
Fides et
ratio », fait apparaître
davantage la justesse du propos du Prof de philo émérite. Les Romains avaient été
assez sages pour comprendre que, dans le contexte qui était le leur, « ratio » grecque leur serait plus utile
en devenant « cailloux » et
« calcul » et en faisant de
la «Cognito » grecque, « Savoir » et « Sagesse » à la fois. « Fides » chez les Romains, c’est le respect des engagements
réciproques et chez les Juifs, c’est le respect des engagements réciproques
entre Yahvé et son peuple. Et c’est de cela que l’Eglise d’Afrique a besoin. L’Eglise
du Bénin a-t-elle besoin des bravades métaphysiques pures ? Faut-il alors des spécialistes chevronnés. Les responsables
de l’Ecole de théologie, du Grand Séminaire (du côté du Togo) et le prof Centre de Philosophie (du côté de la Cité
historique du pays), étant, en principe
les cerveaux pesants des institutions ecclésiastiques du savoir et de la
sagesse du Bénin, je m’étais souvenu des qualités intellectuelles et
pédagogiques du Père Jacob AGOSSOU. Je m’étais également souvenu du conseil du
Père Jean Greisch de la Catho qui m’avait dit que les profs, en Europe, pardonnent
tout aux étudiants africains en leur donnant leur doctorat, mais rien aux
étudiants européens qu’ils rencontreront
demain sur leurs chemins et qui pourraient les embêter. Je me souviens enfin de la profondeur de la sagesse du dicton Fon qui
recommande de ne pas cueillir les « Atawoungwé » qui appelle de tous
leurs vœux pour se faire cueillir ou pour lesquels il y a des interventions.
Je garde du Père
Jacob M. AGOSSOU le souvenir d’un pasteur d’un très haut niveau intellectuel. La
mort du Père Jacob M. AGOSSOU, qui représente l’un des derniers de la génération
de l’élite intellectuelle catholique du Bénin, doit nous rappeler donc la
question d’une relève de qualité pour le clergé béninois. La question me semble
préoccupante, car un prêtre « AGOSSOU XLO-NON » ne peut jamais
assumer convenablement sa mission de pasteur et d’éducateur. « Pastorale et Education » ne peuvent pas
être une distraction d’enfant et de
« AGOSSOU XLO-NON ».
Par Paulin HOUNSOUNON-TOLIN,
Dr en Sciences de l’éducation, Montpellier III, Paul Valéry
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